mardi 22 mars 2016

"Jean Baptiste ROCHE facteur d'instruments de musique à vent et marchand à Paris". "Jean Baptiste ROCHE woodwind musical instruments maker and trader in Paris".

Un nouveau facteur d'instruments à vent dont on connaît quelques instruments mais dont on ne sait pas grand chose.
Marque "ROCHE" d'une flûte. (2007 eBay)
Voici l'introduction de l'annonce de la vente en 1813 de son fonds de commerce : "...le fonds de commerce tenu pendant vingt ans par Mr Roché connu dans le commerce sous le nom de "ROCHE" (sans accent) et justement renommé pour la fabrication des instruments à vent dont il fournissoit avant la maladie dont il est mort, la majeure partie de la garde Impériale". (1)
Flûte à deux clés de ROCHE. (2007 eBay)
Jean Baptiste Roché dit ROCHE est sans doute né à Orléans (où sont nés ses deux frères) vers 1760. Son père était Alexis Rocher et avait deux frères tous les deux architectes. Le premier Honoré Jacques Roché était né à Orléans vers 1755 et était arrivé à Paris en 1787 venant d'Orléans. C'est lui qui sera tuteur des enfants de Jean Baptiste Roché à sa mort en 1812. Le second Jacques Roché né en 1758 et mort le 5 septembre 1807 à Orléans ; son héritage de 3000 frs a permis à la famille ROCHE de vivre pendant les deux années de maladie de Jean Baptiste. (2)
Les deux clés de la flûte.
Arrivé à Paris vers 1782, on ne sait s'il était tourneur et chez qui il se forma. Mais il épousa le 10 avril 1793 à Paris Marie Victorine Sophie DUPUIS et aurons trois enfants nés à Paris : Marie Sophie Emélie Roché née le 10 août 1796, Adolphe Louis Jean Roché né le 3 octobre 1799, Thérése Joséphine Clara Roché née le 28 novembre 1803.
Clarinette à 5 clés de ROCHE (Musée d'Edimbourg)
Il est d'abord installé au N°334 rue de Malte (1802), au passage du Carrousel aux Tuileries (1803), N°2 rue de Malte aux Tuileries (1808), et N°6 cour des Fontaines (1812).(3) C'est à cette dernière adresse qu'il décède le 28 novembre 1812 d'une longue maladie. A cette date il habitait en location une maison comportant une cuisine donnant sur la rue, une salle à manger donnant sur la cour, une chambre des parents donnant sur la rue, une chambre d'enfants au dessus de la cuisine, une chambre d'enfants en sous pente et l'atelier communicant avec la chambre des parents. 
L'inventaire après décès réalisé par Maître Camusat notaire à Paris le 10 décembre 1812, donne des informations très intéressantes sur son activité.
Clarinette à 6 clés Sib et son
ton de rechange en La.
(Ancienne collection
Schackleton)
Le commissaire priseur réalisant cet inventaire s'était adjoint d'un expert Pierre JOUVE, marchand patenté pour l'an 1812 , au Palais royal, galerie du Perron N°96.
Marque de Pierre JOUVE sur un flageolet
du Musée de la Musique de La Villette.
Pierre Jouve était Marchand et Éditeur de Musique : 1820 annonce du Bottin "HENTZ-JOUVE, flûtes, clarinettes, bassons etc...tient aussi un assortiment d'instruments à cordes et tout ce qui concerne la musique militaire, dépôt de cordes de Naples, Palais Royal N°96 galerie de pierre".
Signature de Pierre Jouve en 1812.
Dans cette première partie de l'inventaire sont répertoriés les outils et le stock de bois. On peut supposer que Jean Baptiste Roché travaillait seul dans l'atelier (mais cet inventaire a été effectué après qu'il soit malade donc s'il travaillait avec un ouvrier celui-ci devait avoir quitté l'atelier). Outre l'intérêt des outils utilisés pour la fabrication des instruments (Tour en l'air, 46 perces....), les stocks et les prix de bois donnent une idée de la valeur des instruments : en "grenadine" (grenadille) 10 frs le kg, en ébène 3 frs le kg, 1 frs 50 en buis.
Partie de l'inventaire concernant les instruments à cordes.
Cette deuxième partie de l'inventaire concerne les instruments à cordes qu'il revendait dans son magasin. Cette partie ne sera pas comprise (vendue à part) dans la vente du fonds de commerce. On note le terme instrument de "Hazard", c'est à dire des instruments d'occasions ou usagés qu'il devait sans doute reprendre pour en vendre des neufs. Les instruments neufs proposés par ROCHE devaient provenir de Mirecourt et plus précisément de Nicolas AUDINOT marchand d'instruments de musique de Saint Ouen les Parey dans les Vosges prés de Mirecourt, membre de la célèbre famille de luthiers. Dans l'inventaire on trouve une créance pour fourniture d'instruments :"A Mr AUDINOT marchand d'instruments de musique à Paray Saint Ouen, département des Vosges : 676 frs".
Pour pouvoir mieux lire cliquez sur les images.
Cette liste de l'inventaire concerne plus particulièrement les instruments fabriqués par ROCHE : clarinettes, flûtes et flageolets. On y trouve des serinettes provenant sans doute de Mirecourt, vendues par Nicolas AUDINOT, des cuivres, trompettes, cors et trombone vendus par COURTOIS : Créance "Mr COURTOIS facteur de cuivre du Vieux Augustins à Paris suivant sa facture pour fourniture faite par lui au défunt : 3200 frs". Le serpent neuf de cet inventaire provenait de la boutique de "Mr. PIFFAULT, facteur de serpent demeurant à Paris N°304 rue Saint Honoré". Il lui avait été facturé 17 frs 50 qu'il n'avait pas réglé.
On connaît grâce à cet inventaire deux de ses fournisseurs, de clés : Mr THIRIOT ouvrier en garniture d'instruments à Paris rue Saint Denis à qui il devait 16 frs, et de sacs d'instruments : Mr ZAEGGER fabricant de sacs d'instruments demeurant à Paris à qui il devait 21 frs 12. On découvre également qu'il fournissait Hyppolite COLLIN en clarinettes, flûtes et flageolets : Billet de "Mr Collin, marchand de musique rue des Fossés Montmartre : 430 frs". Nous avons évoqué ce luthier marchand de musique dans notre article sur la famille DARCHE et nous traiterons plus spécifiquement  la famille COLLIN père et fils dans un prochain article. Pour consultez l'article sur la famille Darche cliquez sur ce lien.
Darche et Collin à Paris
Il devait également 108 frs 10 à " Mr BELLANGER, boisselier  fabricant de caisses à tambour pour les troupes, rue du Petit Carreau 36". A noter également que les instruments de PORTHAUX étaient déjà reconnus car le seul instrument "de hazard" dont on précise la marque est ce basson de "Porto mais de hazard".
Clarinette en Ut de Roché
avec corps de rechange
en Si naturel. (Collection Schackleton)
Jean Baptiste ROCHE était surtout spécialisé dans la fabrication de clarinettes, si l'on en juge par le nombre d'instruments ou parties d'instruments répertoriés dans l'inventaire. Il est intéréssant de voir l'estimation de la valeur des différents modéles : "Clarinette en ébéne ou grenadille, garnie d'ivoire : 30 frs. Clarinette en buis garnie d'ivoire 25 frs, clarinette en buis garnie d'ivoire  sauf le pavillon 21 frs. Clarinette en buis garnie de corne 15 frs". Ces instruments devaient être fabriqués non seulement pour Collin mais  pour d'autres marchands peut être estampillés de leurs marques si on remarque le "lot de numéros et de lettres servant  à marquer les instruments" présent dans l'inventaire. La  rareté des instruments portant la marque de ROCHE retrouvés dans les collections actuellement, milite en faveur de cette hypothése : un jeu de 4 clarinettes, une clarinette et une flûte.

Donc si vous avez des instruments portant la marque Roche, faites nous signe.

Le fonds de commerce ne sera pas vendu et ne trouvera pas de repreneur lors de la vente du 8 janvier 1813


Bibliographie : 
(1) Inventaire après décés de Mr Roché Maitre Luthier du 10 décembre 1812 chez Maître Edme Pierre Alexandre Camusat rue Saint Denis. Archives nationales MC/ET/XXII/197.
(2) Procés verbal d'enchères. Mr Roché le 31 décembre 1812 et 8 janvier 1813.
(3) Langwill et Annuaires Bottin.